Le général de brigade retraité Frank Rusagara est décédé la semaine dernière au Rwanda. Il avait passé 11 ans en prison, sans être autorisé à parler à sa femme, décédée au Royaume-Uni en 2016. Sa famille a entendu sa voix pour la dernière fois en 2014, dans les jours qui ont précédé son arrestation. Après sa mort, sa famille a appris qu'il était atteint d'un cancer.
Frank Rusagara a été contraint de prendre sa retraite en 2013, dans un contexte de répression croissante de la part du parti au pouvoir au Rwanda. Il a été arrêté en août 2014 avec son beau-frère, le colonel Tom Byabagamba, ancien chef de la garde présidentielle. Leurs arrestations s'inscrivaient dans un schéma de répression gouvernementale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, à l'encontre de personnes critiques du gouvernement rwandais ou soupçonnées d'avoir des liens avec des groupes d'opposition.
Quelques jours avant l'arrestation de Frank Rusagara, un responsable militaire de haut rang l'a accusé, lors d'une réunion privée, d'avoir des liens avec un groupe d'opposition en exil et d'inciter à l'insurrection. Au cours de son procès, l'accusation a soutenu qu'il avait critiqué le président Paul Kagame et qu’il s'était plaint de l'absence de liberté d'expression et de progrès économique au Rwanda, ayant prétendument qualifié le pays d'« État policier » et de « république bananière ».
Dans une correspondance privée avec des amis et des membres de sa famille, Frank Rusagara a affirmé que son arrestation découlait également d'autres fois où il avait critiqué les politiques de l'État, notamment lorsqu'il avait déclaré que la rébellion du M23 en République démocratique du Congo en 2012 et 2013 était en fait coordonnée par l'armée rwandaise.
Frank Rusagara et Tom Byabagamba ont été condamnés à l'issue d'un procès entaché d'irrégularités en 2016, malgré de graves allégations de torture et de subornation de témoins. Tom Byabagamba est toujours en détention. En 2017, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention des deux hommes était arbitraire.
Le groupe rebelle dont Frank Rusagara a osé parler il y a plus de 10 ans, le M23, a de nouveau fait des ravages dans l'est de la RD Congo, une fois de plus avec le soutien logistique et armé du Rwanda, provoquant une crise humanitaire. Selon les recherches de l'ONU et de Human Rights Watch, des milliers de soldats rwandais aident le M23 à s'emparer de territoires, y compris de grandes villes.
La mort de Frank Rusagara devrait rappeler le lourd tribut payé par ceux qui, à l'intérieur du système, osent contester les actions du gouvernement. Alors que les partenaires réévaluent l'aide bilatérale au Rwanda à la lumière de son soutien au M23, ils ne doivent pas oublier ceux qui ont tenté de contester les actions de l'État et qui en ont payé le prix.