- La liberté académique s’est gravement détériorée à Hong Kong depuis que le gouvernement chinois y a imposé sa draconienne Loi sur la sécurité nationale le 30 juin 2020.
- Les étudiants et les professeurs, précédemment habitués à la liberté académique, doivent désormais faire preuve de prudence pour éviter des représailles liées au contenu de leurs cours, de leurs recherches et de leurs publications, ou même liées à leurs interactions personnelles.
- Les gouvernements concernés et les universités étrangères qui ont des partenariats avec les universités de Hong Kong devraient défendre les universitaires et les étudiants de ces institutions et revoir leurs partenariats pour éviter de se rendre complices de violations des droits humains.
(Taipei, le 25 septembre 2024) – La liberté académique à Hong Kong a considérablement régressé depuis que le gouvernement chinois y a imposé sa draconienne Loi sur la sécurité nationale le 30 juin 2020, ont déclaré Human Rights Watch et le Hong Kong Democracy Council (Conseil pour la démocratie de Hong Kong) dans un rapport conjointement publié aujourd’hui.
Le rapport de 76 pages, intitulé « “ We Can’t Write the Truth Anymore”: Academic Freedom in Hong Kong Under the National Security Law » (« “Nous ne pouvons plus écrire la vérité” : La liberté académique à Hong Kong soumise à la Loi sur la sécurité nationale »), documente la manière dont des libertés civiles protégées depuis longtemps, comme les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, ont été attaquées dans les huit universités de Hong Kong financées par des fonds publics. Ces universités étant devenues de plus en plus répressives, les étudiants et les enseignants s’autocensurent souvent, craignant d’être la cible de harcèlement, de représailles, voire de poursuites pour ce qu’ils disent et font en classe et sur le campus.
« Les étudiants et les professeurs de Hong Kong, précédemment habitués à la liberté académique, doivent désormais faire preuve de prudence afin d’éviter des représailles liées au contenu de leurs cours, de leurs recherches et de leurs publications, ou même liées à leurs interactions personnelles », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine à Human Rights Watch. « Le gouvernement chinois considère le contrôle idéologique des universités de Hong Kong comme une priorité absolue, et de nombreux étudiants et professeurs se retrouvent aujourd’hui dans sa ligne de mire ».
Les dirigeants des universités de Hong Kong ont mis en œuvre des politiques abusives. Dans ces huit universités, les administrations ont harcelé à plusieurs reprises des syndicats d’étudiants autrefois influents, de sorte qu’ils ne peuvent plus fonctionner efficacement comme représentants élus des associations d’étudiants. Elles ont nettoyé les panneaux d’affichage connus sous le nom de « murs de la démocratie » et retiré des campus les mémoriaux en hommage aux victimes du massacre des manifestants pro-démocratie par le gouvernement chinois à Tiananmen en 1989.
Les administrations universitaires ont par ailleurs sanctionné des étudiants pour avoir organisé des manifestations et des rassemblements pacifiques, censuré des publications, des communications et des événements étudiants, et fait appel à des agents de sécurité des universités pour surveiller les étudiants dans les espaces publics. Aucune des huit universités n’a répondu aux demandes de commentaires envoyées par courriel par Human Rights Watch dans les délais impartis.
Le présent rapport s’appuie sur des entretiens avec des enseignants et des étudiants des huit universités de Hong Kong financées par des fonds publics, ainsi que sur un examen d’articles parus dans les médias en chinois et en anglais.
De nombreux professeurs et étudiants interrogés ont déclaré que depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la sécurité nationale en juin 2020, ils s’autocensurent régulièrement dans les salles de classe, lorsqu’ils écrivent et publient des articles, demandent des financements universitaires ou discutent des intervenants à inviter à des conférences et à des événements. Plusieurs universitaires ont fait état d’une censure directe de leurs articles de recherche par des administrateurs d’université et des éditeurs universitaires. L’un d’entre eux a déclaré que son université l’avait dénoncé à la police de Hong Kong pour un article qu’il avait écrit et qui traitait des œuvres d’art réalisées lors des manifestations de 2019.
Les journaux contrôlés par le gouvernement chinois ont pris pour cible plusieurs universitaires perçus comme favorables à la démocratie, leur faisant subir des campagnes d'intimidation et de diffamation qui ont détruit leur réputation, porté atteinte à leur vie privée et leur ont fait courir le risque d’être arrêtés. Les services d’immigration de Hong Kong ont bloqué la délivrance de visas à des universitaires étrangers, ou ont refusé de les prolonger ou de les renouveler. Des universités ont licencié des universitaires perçus comme favorables à la démocratie, leur ont refusé la titularisation ou le renouvellement de leur contrat dans des circonstances opaques. Craignant pour leur sécurité et préoccupés par l’environnement politique de la ville, certains universitaires ont discrètement quitté leur emploi et la ville.
L’impact de la Loi sur la sécurité nationale sur les étudiants et les professeurs varie en fonction de leur identité, du sujet qu’ils étudient, de leur statut professionnel et de la perception des rapports de force avec le gouvernement chinois. Ceux qui sont originaires de Hong Kong, qui sont perçus comme favorables à la démocratie et ceux dont les études portent sur des questions sociopolitiques relatives à Hong Kong et à la Chine subissent cette pression de plein fouet.
Le gouvernement de Hong Kong devrait immédiatement abroger la Loi sur la sécurité nationale et l’Ordonnance sur la sauvegarde de la sécurité nationale, la deuxième loi sur la sécurité nationale qu’il a adoptée en mars 2024. Il devrait libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains fondamentaux, notamment les étudiants et les professeurs qui ont été arrêtés et emprisonnés.
Les gouvernements concernés et les universités étrangères ayant des partenariats avec des universités de Hong Kong devraient s’intéresser de près aux cas de censure et aux menaces qui pèsent sur la liberté académique dans les campus universitaires de Hong Kong, défendre les universitaires et les étudiants qui font l’objet d’intimidations et réexaminer régulièrement ces partenariats pour ne pas devenir complices de violations des droits humains.
« Le déclin de la liberté académique à Hong Kong a des implications mondiales, car les universités de Hong Kong sont depuis longtemps une fenêtre essentielle sur la Chine, et vice versa », a déclaré Anna Kwok, Directrice exécutive du Hong Kong Democracy Council. « Les gouvernements étrangers et les universités qui ont des programmes communs avec les universités de Hong Kong devraient réévaluer ces programmes, afin de s’assurer que leur travail n’est pas manipulé et contrôlé par les attaques du gouvernement chinois contre la liberté académique. »
Citations extraites du rapport :
Le syndicat des étudiants de l’université de Hong Kong est depuis longtemps connu pour son attitude anti-chinoise et pour avoir semé le chaos à Hong Kong. Surtout après l’introduction de la Loi sur la sécurité nationale ... en son cœur rusé, le syndicat étudiant est toujours déterminé ... à diffuser des idées réactionnaires pour tenter d’attirer davantage d’étudiants à bord de son bateau pirate et d’harnacher les universités au char du crime.... Ces personnes ne sont pas des étudiants, mais bien des voyous qui se cachent sur le campus.
- Extrait d’un éditorial du Quotidien du peuple, intitulé « Retirer la tumeur maligne du syndicat étudiant de l’université de Hong Kong pour ramener la paix sur le campus », 19 avril 2021
L’université et son doyen ... ont défini la liberté académique de manière très étroite : on m’a dit qu’en gros, je pouvais enseigner tout ce que je voulais tant que cela n’encourageait pas les étudiants à agir en conséquence.... En effet, si j’enseigne, disons, quelque chose qui a trait à la démocratie en classe, comment puis-je savoir si les étudiants vont sortir dans la sphère publique et afficher des œuvres d’art ou essayer de se rassembler ? En fait, dès qu’un étudiant agit sur la base de ce qu’il a appris en classe, c’est à ce moment-là que nous sommes potentiellement en danger, car nous risquons alors de l’inciter à enfreindre la loi.
- Professeur « F », 28 octobre 2022
Après la mise en place de la hotline dédiée à la NSL [National Security Law, Loi sur la sécurité nationale], tout le monde s’inquiète : Si je mets un étudiant en échec ou si je lui donne de mauvaises notes parce que ses travaux ne sont pas à la hauteur, y aura-t-il des conséquences [pour moi] ? Auparavant, les étudiants pouvaient utiliser les procédures normales, comme faire appel de leurs notes ou nous laisser de mauvaises évaluations pour notre enseignement, mais après la mise en place de la hotline, tout le monde se dit : « Si je mets cet étudiant en échec, y aura-t-il des conséquences ? Si cet étudiant échoue avec moi, est-ce qu’il nous dénoncera sur la hotline ? »
- Professeur « T », 17 mai 2024
Au dernier moment, la rédactrice en chef m’a dit qu’elle ne pouvait pas le publier parce que le directeur de l’école lui avait dit que c’était désormais trop dangereux. Elle ne voulait pas mettre l’équipe de rédaction en danger. Et plus tard, [le directeur de l’école] m’a dit que chaque jour ... il recevait des courriels et des messages du bureau de liaison ... apparemment [ils] ont laissé tomber mon article à cause de la pression exercée par le bureau de liaison du gouvernement central à Hong Kong.
- Professeur « A », 23 octobre 2022
[Les autorités] n’ont pas besoin de passer par le Bureau de la sécurité nationale pour vous harceler. Elles n’ont pas besoin d’utiliser la loi, mais elles se serviront des médias du Parti pour dénoncer les gens.... Il y a eu un certain nombre d’éditoriaux qui critiquaient directement des universitaires en les nommant ... impliquant plusieurs universités ... et ils ont tous quitté leur emploi dans un délai très court. J’en connaissais plusieurs : ils ont quitté leur poste parce que c’était trop dur. On ne sait pas s’ils vont donner suite et agir contre vous.... [Cela] a créé une mauvaise ambiance.... Si vous restez, est-ce que vous allez avoir des ennuis ? Ou bien : cette fois-ci ce n’était pas moi, mais serai-je le prochain sur la liste ? Si vous avez peur, vous partez. Si vous ne partez pas, ils érigent une barrière [d’autocensure] dans votre tête, car vous ne voulez pas être le prochain sur la liste.
- Professeur « L », 3 novembre 2022